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Situé entre l’ambassade des Etats-Unis et le siège des Nations unies, le commissariat de Gigiri, un quartier cossu du nord de Nairobi, est l’un des plus sécurisés de la capitale kényane. C’est pourtant depuis ce poste de police que s’est évadé Collins Jumaisi Khalusha, un jeune homme accusé d’avoir tué quarante-deux femmes ces deux dernières années, dans la nuit du mardi 20 août. L’évasion du détenu le plus célèbre du Kenya, censé être le plus surveillé du pays, soulève plusieurs questions sur la responsabilité de la police.
Un premier rapport policier a d’abord fait état d’une évasion nocturne de Collins Jumaisi Khalusha et de douze autres détenus – des sans-papiers érythréens – en sciant le grillage métallique d’une cour de promenade. Mais le chef de la police par intérim, Gilbert Masengeli, a ensuite affirmé que « l’évasion a été facilitée par des complices au sein de la police, étant donné que des officiers étaient déployés en nombre pour garder le commissariat ».
Cinq officiers ont été arrêtés car suspectés d’avoir aidé les détenus à s’enfuir en échange de pots-de-vin. Ils ont été relâchés sous caution, jeudi 22 août. Les suspects, eux, sont toujours en fuite. La direction des enquêtes criminelles kényanes promet une « récompense financière importante à toute personne communiquant une information crédible permettant de conduire à l’arrestation du suspect ».
Depuis la découverte de neuf corps de femmes dans une décharge d’un bidonville de Nairobi à la mi-juillet, cette affaire provoque un certain malaise au Kenya. D’abord en raison de l’extraction morbide de ces corps démembrés à Kware, au cœur d’une ancienne carrière de ballast à l’abandon devenue une immense décharge – qui jouxte un commissariat – le 13 juillet, sous l’objectif des caméras de télévision.
Ensuite, par l’arrestation expéditive de Collins Jumaisi Khalusha, 33 ans, qui aurait, selon la police, confessé dans la foulée les meurtres de plus d’une quarantaine de femmes, dont il aurait ensuite jeté les corps dans la décharge de Kware. Les autorités se sont empressées de le qualifier de « tueur en série psychopathe » et de « vampire », puis, chose rare, d’exhiber les pièces à conviction du dossier face à la presse. Une version contredite dès le lendemain par l’avocat du suspect, qui assure que son client a été « molesté et torturé » par les enquêteurs pour lui extraire des aveux.
« Les jeunes du quartier de Kware ne connaissent pas ce Collins Jumaisi que la police présente comme le tueur en série présumé. Il n’habitait pas là. Pareil dans son village natal : inconnu au bataillon. On doute sérieusement de la version présentée par les autorités, qui comporte trop de contradictions », commente Hussein Khalid, directeur de l’ONG de défense des droits humains Haki Africa, qui n’est « pas surpris » que l’homme ait bénéficié de la complicité de policiers pour s’évader. « Depuis le début, la version de la police ne tient pas debout, ils cachent quelque chose. Ils veulent éviter par tous les moyens de le faire comparaître devant un tribunal », estime-t-il.
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